Le boulevard Saint Germain bientôt Piéton ?

07-10-24 01:21:36
Le boulevard Saint Germain bientôt Piéton ?

L'incroyable projet de piétonnisation du bd Saint Germain, porté par la candidate socialiste à la mairie de Paris Anne Hidalgo, va-t-il déchirer les Parisiens? Pas encore lancé mais déjà très polémique, ce projet révélé dimanche par le JDD, portant sur 550.000 m2 de logements, commerces et équipements sur le haut du boulevard et 67.000 m2 de parc au cœur du VIe arrondissement parisien, se heurte d'abord à un obstacle pragmatique: toute la zone est classée.
L'artère ainsi que les marchés sont inscrits aux monuments historiques depuis 1953. La première comme site classé, comme le confirme la Drac Ile-de-France, le deuxième comme espace boisé classé, qui plus est en zone de protection renforcée.
Selon les concepteurs du projet, la métamorphose du célèbre boulevard, qui relie le SENA à Notre Dame, a pour but de «faire entrer plus de verdure dans Paris». Surtout, Saint-Germain s'imposerait comme «la plus grande promenade urbaine de France», dans «la continuité des Champs-Élysées», ce qui augmenterait «l'attractivité de la capitale et son rayonnement dans le monde», défend Marc Rozenblat, initiateur du projet et président de la société Constructions et développements urbains (CDU). Ce vieil ami de Jean-Marie Le Guen, député socialiste du XIIIe arrondissement qui un temps voulait faire des logements sociaux sur cet axe, travaille depuis deux ans sur le sujet, avec des architectes du cabinet Hamonic + Masson & Associés. Il y a six mois que Le Guen a mis tout ce petit monde en relation avec Anne Hidalgo. «La Ville ne nous a rien commandé, précise l'architecte Jean-Christophe Masson. Comme tout créatif, nous développons des projets sur nos fonds propres, que nous proposons ensuite.»
Emballée, Anne Hidalgo s'est dite prête «à étudier avec soin cette proposition ambitieuse qui dynamisera ces quartiers du centre parisien en construisant des logements sociaux ainsi que pour les classes moyennes et les jeunes actifs, tout en créant un espace public exceptionnel». De quoi hérisser les chics riverains du VIe, leur maire, Jean-Pierre Lecoq, en premier lieu. Une idée «délirante», selon lui, qui ne pourra pas passer la rampe juridique. «Vous imaginez bien que nous n'avons pas sorti un tel projet sans avoir verrouillé cet aspect, répond Jean-Christophe Masson qui confie l'avoir soumis aux services juridiques de la Mairie de Paris. Non seulement il n'y a aucune impossibilité en droit, mais c'est un projet qui peut démarrer demain s'il y a une volonté politique.»
Pour «?déclasser?» la zone, nul besoin de voter une loi, il suffit de modifier le plan local d'urbanisme
La jurisprudence et les outils juridiques ne lui donnent pas tort. Pour «déclasser» la zone, nul n'est besoin de voter une loi, il suffit de modifier le plan local d'urbanisme (PLU), ce qui relève du Conseil de Paris. Des autorisations spéciales sont également prévues par les articles L341-10 et 13 du Code de l'environnement, validées ensuite par décret en Conseil d'État. «Que ce soit les berges de la Seine, qui étaient en zone de protection naturelle renforcée, ou bien le musée de LVMH qui réunissait à la fois site classé, espace boisé classé et zone de protection renforcée, et qui a pourtant vu le jour, il y a des précédents!», cite Marc Rozenblat en exemple.
Économiquement et techniquement, la métamorphose ne serait pas non plus une difficulté, selon les porteurs du projet. D'abord parce que tous les terrains sont la seule propriété de la Ville et que, «fait très rare», les sous-sols sont vierges de «pollution, tuyaux, câbles et métro», soulignent-ils avant de vanter le «coût zéro» pour les Parisiens et la «recette inespérée» pour la Ville. «Aujourd'hui, le prix de l'espace vide à construire est de 5000 euros le mètre carré et il y a 550.000 m2, dit un des architectes. En fonction de la hauteur des immeubles que la Ville choisirait de monter, elle gagnerait de 2 à 4 milliards, sur lesquels elle aurait seulement à payer entre 200 et 300 millions d'euros d'équipement.»
Dans le VIe arrondissement, la contestation des riverains et des associations s'organise. Agnès Popelin, porte-parole d'associations parisiennes environnementales, entend bien lutter contre la volonté d'Anne Hidalgo de «transformer les espaces verts et récréatifs des Parisiens en friche foncière». «Bétonner ­Paris», dit-elle, «transformer les espaces libres en centres commerciaux» est «un projet désastreux» qui «dénaturerait les lieux» et nuirait au «Paris durable».