Après avoir mis en scène plusieurs pièces, telles que Dom Juan de Molière et Amphitryon de Ruy Blas, Eric Ruf s'attaque à une œuvre mythique de Shakespeare : Roméo et Juliette. Il s'emploie à raconter vite et bien cette folle histoire de haine et d'amour entre les deux familles rivales des Capulet et des Montaigu. Un saut dans l'espace-temps qui n'effraie pas trop le public. La pièce des amoureux de Vérone publiée en 1597 a ici son action dans l’Italie pauvre des années 1930. Un challenge car celle-ci n'a plus été recrée à la Comédie Française depuis 1954.
Petit rappel de l’histoire :
Deux amants nés sous une mauvaise étoile. Les deux familles se détestent depuis la nuit des temps et ces deux jeunes gens, fils et fille des chefs respectifs de ces deux familles n’ont pas le droit de s’aimer. Mais pourtant, malgré l’interdiction Roméo aimera Juliette et Juliette aimera Roméo et cela jusqu’à ce que la haine apporte la mort sur leur chemin.
Pour cette pièce Eric Ruf a choisi une mise en scène avec peu de décors dans laquelle une Italie serait marquée par le temps comme le montre les grandes façades grises. Un décor qui verra naitre le triste destin de deux amants. Les costumes eux réalisés par Christian Lacroix renvoient è une Italie des années 30. Le peu de décors, la simplicité des personnages, leur costume, de la mise en scène intelligente laissent place à la force du texte, des sentiments et à la beauté que montre la pièce.
Derrière le rideau, sur une place de Vérone, une fête bat son plein. Chanteur et danseur sur l'estrade en mouvement vont bientôt s’affronter. Les deux familles des Montaigu et des Capulet sont là. Nous sommes dans l’entre-deux-guerres.
Eric Ruf a choisi d’éclairer les scènes qui précèdent la rencontre avec une installation lumineuse plutôt atypique car c’est un chapiteau de guirlande d’ampoules qui éclaire la pièce. Les lumières diffuses, les grands blocs rectangulaires ou carrés aux teintes grises montrent la pauvreté de cette ville du sud.
La scène du balcon est magnifique. Juliette perchée, tout en haut de sa tour de granit blanc, approche un ciel bleuté couvert d'étoiles. Sous cette lumière, les vers de Shakespeare sont énoncés avec ardeur par Juliette en équilibre sur un balcon étroit et vertigineux, sans aucune protection, un pied dans le vide à plusieurs mètres de hauteur. Dans la salle, il règne un silence absolu, le public est pris par cette situation inquiétante et cette déclaration frappante. Cette contradiction confirme la volonté de l’héroïne et montre le danger de cet amour.
Les sons permettent de souligner la beauté des images. Les musiques version music-hall au début de la pièce finissent par de tristes mélodies. Les sons sont réalisés par Jean-Luc Ristord.
Christian Lacroix a choisi des costumes de la période des années 30 jusqu'à nos jours, seule Juliette garde des vêtements d'une époque plus ancienne, les costumes donnent une origine sociale aux personnages et une valeur intemporelle. Des hommes en costumes noir, des jeunes femmes avec des robes en dentelles aux couleurs pastels et des couronnes de fleurs.
Des accessoires comme les violons ou des croix religieuses nous décrivent les différents acteurs. Les accessoires dans la scène ne jouent pas un gros rôle seul quelques objets sont nécessaire à l’enchainement de la pièce, comme le couteau à la fin de la scène.
Des scènes mélangent festivité et querelle, comme le montre la première scène, un chanteur se trouve au milieu de la scène et chante une aire que les gens ont l’air de connaitre et d’aimer et d’un coup cette ambiance festive s’arrête pour laisser place à une querelle. La musique ne ré intervient pas sauf lorsque Juliette chante seule avant de se faire passer pour morte. Le jeu de lumière permet de laisser place à la festivité puis à une querelle sans changer de décor ni de lieu.
Pour réussir son pari, Eric Ruf devait trouver le couple d'amants idéal. Son choix en Suliane Brahim et Jérémy Lopez s'avère très juste. Ils ont la jeunesse de leur rôle, une technique imparable et une personnalité peu commune. Lui est terrien, bouillant, chaleureux avec un côté fragile qui le rend attachant. Elle dégage une grâce infinie, une énergie et une insolence. Tous deux forment un duo ravageur d'amants absolus et rebelles, provoquant le rire et l'émotion des spectateurs. La pièce s’anime sous les lumières diffuses de Bertrand Couderc.
Leur vivacité est le moteur de la mise en scène, passant subtilement de la comédie grinçante (parfois musicale) au drame sanglant, Eric Ruf met en valeur chaque rôle. Les parents Capulet (Didier Sandre, Danièle Lebrun) et La nourrice (Claude Mathieu) flirtent allègrement avec le vaudeville absurde. Serge Bagdassarian (Frère Laurent) et Bakary Sangaré (Frère Jean) distillent avec bonheur un chaud-froid tragique et comique…
Jugements personnels :
Eric Ruf offre une mise en scène simple et intelligente et efficace et rend la mise en valeur du jeu des acteurs beaucoup plus forts. Nous avons apprécié la pièce car Eric Ruf essaye de rendre la pièce un peu plus moderne.
Ludovic, Maxime, Paul-Alexis, Clément