La Thaïlande verrouille son immobilier

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La Thaïlande verrouille son immobilier

YVES BOURDILLON - YVES BOURDILLON | LE 16/11/18 À 16H37

Les étrangers non-résidents comme résidents ne pourront plus acheter de logements anciens dans un marché où les prix sont devenus inaccessibles à la majorité des ménages.
Quoiqu'aux antipodes, la Thaïlande est victime de son succès. Les achats de logements par des étrangers ont porté les prix à des niveaux inaccessibles aux résidents, ce qui a poussé le Parlement à voter mercredi une mesure radicale : l'interdiction de toute acquisition dans l'immobilier résidentiel par des étrangers, sauf s'ils résident dans le pays. Une mesure à rebours du climat économique parmi les moins protectionnistes et les plus dérégulés de la planète en vigueur depuis deux décennies dans le pacifique sud.
Contrer la spéculation chinoise & européenne
La chef du gouvernement travailliste, Prayut Chan-o-cha, s'était engagée à rendre l'immobilier plus abordable à ses concitoyens, chez qui la proportion de propriétaires est tombée au plus bas depuis 1951. Ce thème avait figuré en bonne place dans la campagne législative qui l'a vue l'an dernier prendre le pouvoir après neuf ans de règne des conservateurs. Sous l'effet de la spéculation d'étrangers, surtout chinois et de l'installation de riches étrangers, notamment californiens, les prix ont augmenté de 30 en cinq ans, deux fois plus vite que les salaires, voire quatre fois plus à Phuket.
Le ministre du développement économique, Niwatthamrong Boonsongpaisan, a résumé l'esprit de la loi, votée de peu (63 pour et 57 contre) en déclarant que « les Thaï ne devraient pas être supplantés par des étrangers plus riches ». En raison d'accords de libre-échange, seuls les ressortissants d'Australie et de Singapour sont exonérés de cette législation. Si les étrangers ne pourront plus acheter de logements anciens, sauf dérogation du roi, ils pourront toutefois investir, de manière limitée, dans de l'immobilier neuf et à condition que cela augmente le nombre total de logements sur le terrain concerné.
Bouc émissaire
Les opposants à la loi font valoir que la hausse des prix, qui a d'ailleurs ralenti à 5 en rythme annuel en juin, s'explique, certes par une immigration record dans ce pays stable et prospère, mais aussi par le manque de nouvelles constructions. Les étrangers n'auraient d'ailleurs joué qu'un rôle mineur dans la flambée des prix. En juin, ils n'ont acquis que 9 des logements en vente. L'ancien premier ministre Aphisit Wetchachiwa s'est ainsi interrogé : « Deviendrons-nous riches en vendant à cinq millions d’étrangers ou à trois milliards de membres de la classe moyenne thaï ? ».