Interview : Un secrétaire administratif se découvre une vocation pour le Jazz pendant l'entre-semestres

15-11-24 06:29:22
Interview : Un secrétaire administratif se découvre une vocation pour le Jazz pendant l'entre-semestres

"Patoche" est son nom de scène. Dans son bureau au fond du bâtiment B de l'université Paul Valery où il a accepté de recevoir notre reporter pour parler de sa nouvelle invention, Patoche mène une vie discrète et sans bruit. Secrétaire d'administration depuis de longues années, rien ne semblait le destiner à une carrière artistique. Pourtant, affirme-t-il, Patoche a su trouver le moyen de réinventer le travail de secrétaire en introduisant ce qu'il aime à nommer, non sans un rire malicieux « l'élément Jazz ».

- Le travail de secrétaire, déclare-t-il, si l'on n'y prend garde peut vite glisser sur la pente de la routine et sans s'en rendre compte on se retrouve au bout de quelques années pris dans un état d'anosognosie du travail ennuyeux et monotone qui nous dévore.
- Qu'est-ce que vous entendez par "anosognosie", tous nos lecteurs ne sont pas familiers du terme, et je vous avoue moi non plus.
- Veuillez m'en excuser, dit-il avec un léger sourire satisfait, vous voyez qu'on apprend beaucoup de choses dans ce travail. Alors, l'anosognosie c'est tout simplement un terme compliqué pour dire qu'on s'en rend pas compte, voilà.
- Et qu'est-ce qui vous a donc sorti de cet état d'anosognosie sur la monotonie de votre travail?
- Vous savez, de ce que j'ai pu lire en diagonal en faisant des photocopies ou attraper au vol en branchant le projecteur, c'est qu'il faut généralement un élément déclencheur qui vienne vous sortir de votre anosognosie.
- Et pour vous c'était quoi cet élément là?
- (Fou rire)
- Je vois que la question vous fait rire
- Oh non, pas du tout, ce n'est pas vous, c'est un rire nerveux en réalité. Je dois vous avouer que ce qui m'a sorti de ma torpeur c'est la réforme des retraites.
- Comment ça?
- Je vous avoue que j'ai été secoué par l'idée de devoir travailler plus longtemps dans ces conditions...Quelque chose en moi s'est révoltée et je me suis dit que quitte à devoir mourir à Paul Va, autant mourir dans la dignité et dans la grâce...à l'image de l'orchestre du Titanic.
- Et c'est donc là que vous avez décidé, pour reprendre vos mots, de « Jazzifier » le secrétariat, qu'est-ce que vous entendez par là?
- Je sais qu'on peut se demander quel rapport il peut y avoir entre le travail au secrétariat et celui du Jazz qu'un monde semble séparer!
- En effet, je vous avoue qu'il est un peu difficile de vous suivre là-dessus.
- J'y viens. Vous voyez, quand on parle de Jazz, il ne s'agit pas d'un style ou d'un genre de musique...c'est même tout l'opposé! Du moment que quelque chose se fige dans une forme particulière, ce n'est plus du Jazz, quand bien même ça ait pu l'être au départ. Le jazz, dans son essence, est cette volonté d'émancipation de la rigidité de la forme, de l'ordre...Le jazz c'est l'expression la plus pure de la liberté. Vous voyez que pris en ce sens, le Jazz ne se retreint pas à la musique mais tout, littéralement tout peut se faire dans l'art du Jazz.
- Il est vrai que c'est un peu ce que disait les plus grands Jazzmen de leur art, mais je vous avoue quand même ma perplexité quant à la manière dont vous mettez cet esprit-là dans votre travail quotidien à Paul Valery.
- Le Jazz pour moi est affaire de vie quotidienne. La légende voulait que le Blues, ancêtre du Jazz, soit la musique du Diable, et je pense pour ma part que, comme le Diable, l'élément Jazz est toujours dans les détails même de la quotidienneté la plus banale. Tout ce qui s'improvise, tout ce qui sort de l'attendu et surprend l'audience est Jazz...de la date d'un partiel qui peut changer d'un moment à l'autre, à la salle qu'on va chercher à 8h15 pour découvrir qu'elle est déjà prise, aux emplois du temps aux allures d'une Jam session, croyez-moi tout est Jazz, tout est question de feeling et de rythme, jusqu'aux messages ou questionnaires qui tombent juste un demi-ton au dessus de la note à laquelle on s'attendait...Je vous prie de m'excuser, c'est la passion qui m'entraine...D'ailleurs j'ai du travail, je pense, si vous le permettez, qu'on pourra s'arrêter là pour notre entretien.
- Juste une dernière question d'une de nos lectrices, si vous le voulez bien, puisque vous parlez de notes. Est-ce que vous auriez des nouvelles sur les notes?
- Je suis content que vous posiez la question, ça me permettra de finir sur une citation d'un maitre que j'admire et dont je puise mon inspiration...c'est Miles Davis qui disait « La vraie musique c'est le silence entre les notes » Voilà!