Il semble difficile de sensibiliser le grand public sur la nécessité de protéger le saumon sauvage actuellement en voie de disparition, alors qu’il n’y a jamais eu, en raison du développement intensif de l’aquaculture depuis 20 ans, autant de saumons commercialisés.
Depuis le Moyen Age, les saumons ont commencé à se raréfier dans certains cours d’eau pour disparaître ensuite totalement de bon nombre d’entre eux. Une récente étude du WWF, en partenariat avec l'ASF (Atlantic Salmon Federation) montre que les stocks de saumons ont chuté de 75 au cours des 20 dernières années. Le saumon atlantique a entièrement disparu de 15 des rivières et fleuves d'Europe et d'Amérique du Nord dans lesquels il abondait. 90 des populations sauvages de saumon « en bonne santé » est concentré dans quatre pays seulement : l’Écosse, l’Irlande, l’Islande et la Norvège. En dehors de ces quatre pays, l’état de l’espèce à l’échelle mondiale apparaît problématique (WWF, 2001).
L’évolution et la régression de la population de saumon sur l’axe Loire/Allier est très similaire à celle de l’ensemble des cours d’eau français. Le saumon est resté abondant sur une grande partie du bassin jusqu’à la fin du XIXe siècle. Le recul des populations de saumon s’est fait sentir dès le début du XXe siècle.
Peu de renseignements précis sont disponibles sur l’abondance du saumon en Loire au Moyen Age, mais on sait qu’à cette époque sa pêche constituait une activité importante, ecclésiastiques et seigneurs percevaient de nombreuses redevances en poisson.
Alors que les captures au début du XXe siècle avoisineraient les 4 à 5 000 saumons, elles atteignaient seulement 500 individus dans les années 70/80 pour chuter dans les années 1990 à une centaine d’adultes. La rivière Allier a conservé une population de Salmo salar au prix d’efforts constants.
Ce cycle de vie remarquable du saumon, est considérablement entravé depuis la fin du XIXe siècle par l’activité humaine croissante et la création de nouvelles infrastructures sur les cours d’eau jadis paradis du salmonidé. Ces entraves ont pris différents aspects, liés soit à la pêche, soit à l'aménagement lourd des rivières (barrages, navigation …), ou aux pollutions mécaniques (extraction de granulats…), pollutions chimiques (agricoles, industrielles, ménagères…).
Le braconnage, à partir de la Révolution de 1789, a eu la première incidence négative sur le dépeuplement des cours d’eau en géniteurs, notamment à la période de fraye. En parallèle , le prélèvement massif de tacons dans les filets à petites mailles, ou à la ligne, a réduit dangereusement le renouvellement de l’espèce : à la fin des années 1940 par exemple, entre Alleyras et Pont-du-Château, on estime qu’environ 80 kilos de tacons étaient détruits quotidiennement. De 1973 à 1980, les pêches intensives en mer, sur les zones d’engraissement du saumon, récemment découvertes au Groënland mettent en péril les stocks de géniteurs. La pêche à la ligne est également incriminée dans l’extinction de l’espèce. Mais dans des proportions nettement plus faibles.
Dès 1972, l’Association Protectrice du Saumon dénonce la pêche professionnelle sur la Loire ainsi que l’utilisation de filets barrages ou du grand carrelet à contre-poids de plus de 5 mètres de côté.
À partir de 1998, c'est la consommation personnelle de M. Rossignol Guillaume qui devient le problème majeur pour la survie de cette espèce.
La construction de barrages destinés à la production d’électricité, ou la création de réservoirs d’eau pour l’irrigation, a progressivement et définitivement stérilisé de nombreuses zones de frayères, et entraîné la disparition du saumon sur la plupart des rivières. Par exemple :
sur la Loire : Grangeant en 1957, Villerest en 1964
sur l’Allier : Saint-Etienne du Vigan en 1897, Poutès en 1939
sur l’Allagnon : Grand-Pont et Chambezon 1906-1907
sur le Chapeauroux : chute privée en 1927
sur la Sioule : Queuille
L’aménagement de l’estuaire de la Loire est venu couronner le tout en transformant un phénomène naturel de mise en suspension des sédiments, à la rencontre de l’eau douce et de l’eau salée, en véritable et énorme bouchon vaseux à l’intérieur duquel personne ne sait exactement ce que deviennent les saumons, à la descente comme à la montée. Cette ignorance peut toutefois hélas arranger ceux qui ont plus ou moins intérêt à rendre le bouchon vaseux responsable de tous nos maux ; une chose est sûre : une certaine proportion de smolts, puis de géniteurs, parviennent à le franchir…mais quelle est cette proportion ?