Fort Chabrol à Penmarc'h

24-09-24 01:17:33
Fort Chabrol à Penmarc'h

Le Fort Chabrol Penmarch
Nouveaux détails sur la fusillade d'hier.
Arrivée du parquet. Etat désespéré de Le Cléach

Penmarc'h, 22 Octobre

L'émoi provoqué par l'affaire Le Cléach est loin
d'être dissipé.
Lorsque le pauvre fou quitta sa demeure et
qu'il se dirigea vers l'hôtel du Phare, où le maréchal des logis de Pont-l'Abbé se trouvait cantonné avec les gendarmes Marc et Le Pape, ce
dernier arrivé depuis un instant et seul étant
armé d'une carabine, les autres n'ayant que le
revolver d'ordonnance, il marchait d'un pas tout
a fait calme, mais ce calme n'était que relatif.
Ses yeux étaient hagards ; sa figure était tirée
et exprimait une souffrance intérieure.
Ses parents l'avaient pourtant bien exhorté,
après la messe, à la cessation de la lutte ; ils
l'avaient engagé, paraît-il, à se rendre lui-même
à Quimper, l'assurant qu'il en serait quitte avec
quelques mois d'hôpital, mais rien n'y fit.
Lorsque Le Cléach fut arrivé par le travers des
maisons Le Roux et Carval, le maréchal des logis commanda à la foule très nombreuse et venue d'un peu partout, de Pont-l'Abbé, de Plomeur
et du Guilvinec, de s'écarter.
Il ne fut pas vite obéi.
Pendant ce temps, Cléach mit le maréchal des
logis en joue et tira.
Le maréchal des logis baissa la tête au moment
où le coup de feu partait et fut indemne.
Alors, il commanda le feu. Les gendarmes,
abrités jusqu'à mi-corps par le mur de la cour
de l'hôtel, ne ripostèrent seulement que lorsque
Cléach eut tiré le second coup.
Le Cléach avançait toujours. Il se trouvait à la
fin à une dizaine de mètres des gendarmes. Ce
fut à son troisième coup que le gendarme Marc
fut blessé et qu'un maçon, travaillant au mur de
la Joie, qui se trouvait assez loin dans le fond de
la cour, fut atteint à la casquette, qui fut traversée
par un grain de plomb ayant fait ricochet sur
la visière.
Le gendarme Le Pape était près d'un pilier, a
milieu du mur, et tira trois coups de carabine.
C'est, parait-il, son deuxième coup qui atteignit
Le Cléach.
Il fléchi l un peu, laissa tomber sa hache, qu'il
tenait toujours au bras, même en tirant. Il la ramassa et tira de nouveau.
Comme les gendarmes avaient leurs armes
vides, ils se réfugièrent dans la cuisine de l'hôtel,
pour recharger leurs revolvers, sauf le gendarme
Souron, qui se sauva à l'écurie, celle-ci étant
plus à sa proximité.
Le Cléach, qui avait vu les gendarmes disparaître, croyait les avoir tous tués et fit le tour de
l'hôtel.
Arrivé près de la barrière, il se sentit faiblir et
fit demi-tour. Il fut obligé de s'appuyer sur son
fusil. Il regagna ainsi son logis, éloigné environ
de 150 mètres de la route faisant un crochet. Il
s'enferma et s'allongea sur une paillasse.
Ce ne fut qu'une demi-heure après qu'une
femme alla voir-, par la fenêtre, ce qui se passait.
Alors elle appela, disant que Le Cléach était mourant.
La porte était fermée. Le Cléach vint, en chancelant, ouvrir. Il nous a déclaré, plus tard, que
si l'on avait tardé, il n'eut pu aller ouvrir.
La foule entra dans la maison, criant, gesticulant, se disputant même.
Quant aux soins à donner au blessé, on n'y
songeait guère.
Quelques personnes disaient même : « A quoi
bon le soigner ; il vaut mieux qu'il meure I »
Un des parents sanglotait, criant : « Qui va
nourrir les pauvres enfants, maintenant, surtout
le pauvre d'esprit qui est chez mon père ? Ce ne
sera pas celui qui a tué mon pauvre frère, sûrement I Et mon pauvre père, qui se meurt I Lorsqu'il va connaître la vérité, ce sera la fin I »
Plus tard, lorsque le docteur ordonna des compresses glacées, personne ne voulut aller chercher
de la glace au Guilvinec.
Le Cléac'h disait lui-même de prendre son
cheval.
« A quoi bon la glace ? entendîmes-nous. On
donne de la glace aux malades, mais non aux
personnes tuées. »
« Que celui qui l'a tué aille en chercher, dit
une voix. »
Alors un bruit étrange courut parmi la foule :
Le Cléac'h n'avait pas été blessé en face par les
gendarmes.
Il avait, disait-on, reçu deux coups de feu, l'un
par par devant, un autre par derrière, tiré de la
maison de la fenêtre de M. X..., par un civil, M.
X.... de Y...
Le bruit se répandit comme une fusée.
Les hommes de l'art eurent beau affirmer que
le blessé n avait reçu qu'une balle, ils expliquèrent même que le trou d'entrée était plus net
que le trou de sortie, on ne les écouta pas.
C'était X... qui avait fait le coup. On saurait le
trouver, et gare à lui.
Or, X... n'était nullement à Penmarch, hier.
Qu'importe. Aujourd'hui tous les habitants sont
convaincus que c'est X... qui a fait le coup, et il
ne lui serait pas prudent, maintenant, de venir
visiter le phare d'Eckmûlh.

Penmarch, 18 décembre, 6 h. 32 soir.

Après la fusillade, nous pûmes visiter le champ
de bataille. Les murs des maisons qui font face
au pignon est de l'hôtel du Phare portent les
traces des balles des gendarmes. La chaux gît
sur la route. Les balles ont écorché les murs.
L'une d'elles, en ricochant, est allée se loger dans
la blouse de René Dréau, pêcheur. Heureux qu'elle
n'avait plus de force.
La fenêtre de Carval fut traversée par une autre
balle. Celle-ci alla ricocher sur la cheminée, et
on la retrouva, ce matin, en faisant le lit du pauvre vieux.
A l'hôtel du Phare, le mur qui donne sur la
prairie est criblé de plombs.
Un coup, dirigé sur l'écurie, perça de nombreux
trous les vitres de l'imposte, qui s incrustèrent
dans les montants en bois.
C'est miracle qu'il n'y eut pas plus de victimes,
d'un camp comme de l'autre. Il a fallu le sang froid des gendarmes pour atteindre ce résultat.
Comme nous l'avons dit hier, des renforts arrivèrent après la bataille.

Penmarc'h, 18 décembre, 7 h. soir.

La situation de Le Cléac'h reste stationnaire.
,A certain moment, il a des syncopes, et, à d'autres, il se prétend mieux.
Comme je lui demandais qu'elle sensation il
ressentait lorsqu'il fut atteint, il me répondit :
« Presque rien, un petit froid dans les boyaux ».
Il a déclaré aux personnes qui le soignaient qu'il
regrettait ce qu'il a fait.
Il fait preuve de courage, souffre sans se plaindre.
La population est encore énervée de la scène
d'hier.
On discute ferme. On prend parti pour Le
Cléac'h, et nous croyons qu'il sera malheureuses
difficile de faire disparaître la fable du coup
de fusil tiré par derrière.
A six heures, les gendarmes de Pont-Croix et
Fouesnant regagnent leur casernement. Il reste
ici quatre gendarmes et le maréchal des logis.
Le gendarme Marc est resté à l'hôtel du Phare
jusqu'au départ du parquet.
Sa femme, inquiète, malgré les télégrammes
rassurants qu'elle avait, reçus, veut voir son
mari.

Penmarc'h, 18 décembre, 7 h. 25 soir.

L'état du gendarme Marc reste stationnaire.
Le docteur Colin a reconduit le brave gendarme
dans sa voilure fermée, à. Pont-l'Abbé.

Penmarc'h, 18 décembre, 7 h. 50 soir.

Vers dix. heures arrivent des gendarmes de
Concarneau et de Douarnenez.
Ce matin nous eûmes un détachement - des brigades de Fouesnant et Font-Croix.

La voiture du parquet était signalée vers
S'y trouvaient : MM. Pierre Cahour, substitut
du procureur de la République; Daudu, juge
d'instruction ; Colin, médecin légiste, et l'interprète juré.
Après avoir reçu la déposition du chef de brigade,
les membres du parquet firent reconstituer,
avec les gendarmes, la scène de la fusillade d'hier.
Ils se rendirent ensuite chez Le Cléach et l'interrogèrent.
Le docteur pansa sa blessure, et commit
un docteur pour venir donner les soins réclamés
par l'état du blessé, qui n'est pas transportable.
Ils entendirent ensuite les diverses dépositions
des témoins. L'exode des gendarmes commença,
et le parquet quitta Eckmùhl vers deux heures.
Quimper, 18 décembre.
Aujourd'hui, le parquet de Quimper, accompagné du docteur Colin, médecin-légiste, s'est
transporté à Saint-Pierre dans la matinée.
Contrairement à ce qui aurait été dit par un
conseiller municipal, aucun civil n'a tiré. Un cycliste du pays,
dont nous n'avons pas pu connaître le nom, est entré dans la maison Le Floch,
près de laquelle était Le Cléach quand les coups
de feu ont été tirés.
Il avait été dit que ce pouvait être celui-ci qui
avait tiré, mais le fait est démenti par Mme Le
Floch.
Vers trois heures, cet après-midi, Le Cléach,
interrogé, reconnut avoir voulu attenter à la vie de
Le Pape, avec qui il avait perdu un procès, et porté
des coups de couteau à Le Rhun parce qu'il
s'était interposé.
Il reconnaît également avoir tiré sur les gendarmes, mais ceux-ci, dit-il, avaient tiré d'abord.
L'état du blessé est très grave. La péritonite
s'est déclarée.
Les gendarmes suffisent pour le surveiller.
Vingt-six cartouches ont été saisies sur 40 confectionnées par Le Cléach, On ne sait pas s'il a
tiré le reste.

Mercredi 20 décembre page 2

Le fort Chabrol Penmarch

Une visite chez Le Cléach

Penmarch, 19 décembre, 7 h. soir.

Nous sortons de chez Le Cléac'h
La maisonnette, basse d'étage, comprend deux
pièces, dont l'une sert de cuisine et de crèche où
sont logés une vache, un veau et un cheval. Il
faut même que celui-ci ait de la bonne volonté
pour qu'on l'y puisse entrer.
L'autre appartement sert de chambre à coucher.
Elle est meublée de deux lits clos, d'une table
placée, à la mode du pays, devant la fenêtre. Un
vaisselier se trouve dans un coin, l'armoire dans
un autre ; une horloge bretonne est encastrée
entre le lit du blessé et son armoire. C'est près de
cette armoire que Le Cléac'h avait acheté son fusil,
son poignard et sa hache. Le couteau fut retrouvé
sur l'étagère de la cheminée, derrière les bols.
La partie comprise entre le lit clos et le plafond est tapissée de gravures représentant des
épisodes dramatiques. Sur l'une on voit un blessé
dans son lit ; un individu, debout, les menottes
aux mains, prés d'un gendarme qui semble lui
parler.
Cette gravure est placardée deux fois dans l'ha-.
bitation. Serait-elle l'inspiratrice des derniers actes de Le Cléac'h ?
Le blessé repose sur son lit.
La nuit a été mauvaise pour lui, mais, ce matin, il se sent mieux. Il a même de l'appétit.
Les parents qui le soignent, lui préparent un
bol de soupe.
Le malade commence â manger, lorsqu'une
dame, bien connue dans le pays pour sa bonté et
sa charité, arrive le voir.
Eh bien ! comment allez-vous, mon pauvre
Le Cléac'h ?
Pas trop, répond-il.
Vous avez faim 1
Oui.
Laissez celte soupe, qui ne pourrait que vous
faire du mal. Je vais vous faire porter du bouillon
et du bon vin, que vous prendrez avec de l'eau
Prenez courage, Thomas, vous guérirez.
Et en quittant la maison, elle laissa son aumône.

Penmarch,19 décembre 8h 50 du soir
le docteur Guevel, de Pont l'abbé, mandaté par le parquet,
vient de panser le Cleac'h.
Il nous déclare que la péritonite gagne,
et que la vie de le Cleach, n'est plis qu'une question de temps.

Le blessé parle et s'entretient raisonnable,
ment avec les personnes qui l'approchent.
En quittant la ferme de Le Créac'h, nous car
sons avec un groupe de pêcheurs. Pour eus e
toujours un civil qui a tiré sur le malheureux
pour confirmer leur dire, ils déclarent que le
Civil est entré dans la maison de Jacques Floch
Celui-ci étant absent, et sa femme étant réfugiée"
au grenier, le civil aurait décloué un morceau de
toile a voile, gui servait de vitre, Il aurait tiré
deux coups de feu très rapidement, il aurait relevé la toile et il se serait enfui immédiatement,
en bicyclette.
Comme je leur faisais remarquer l'impossibilité
de cette version, puisque l'individu, placé face
aux gendarmes Le Cléac'h étant au milieu
se serait exposé lui-même aux coups de feu, les
balles de revolvers ou de carabines étant plus
meurtrières que les grains de plomb, il me fut
répondu : ci Thomas a été atteint par derrière ; le
docteur Colin, médecin-légiste, l'a déclaré. »
Ce qui est vrai. Donc, on a tiré derrière lui.
Quoi qu'il en soit, les gendarmes ont couru un
véritable danger.
En brossant ses effets, le maréchal des logis
trouva le fond de son képi plein de plâtre, et le
gendarme Le Pape s'aperçut que son képi avait
été traversé par un grain de plomb.
Des trente gendarmes arrivés hier à Penmarch,
après la bataille, il n'en reste que cinq.
L'état du gendarme Marc est aussi satisfaisant
que possible.


Jeudi 21 décembre page 3 (illisible)

Epilogue du drame de penmarch
mort de le cleach
Penmarch 20 décembre

.....
Il souffrait tellement qu'il lui était impossible de rester dans son lit.
...... arrivera demain matin pour faire pratiquer l'autopsie du cadavre, qui établira si réellement le Cleach a été frappé d'un coup de feu (ou deux ?)
la population redevient calme.


vendredi 22 Décembre page 2

Après le drame de Penmarch

Autopsie clu corps de Le Cléac'h.
Aucun coup de feu ne fut tiré
par derrière

Penmarch, 21 décembre.

Ce matin, le parquet est arrivé, à neuf heures,
en voiture, venant de Quimper.
Le docteur Colin, médecin-légiste, a fait l'autopsie du cadavre de Le Gléac'h.
Le parquet, à propos de l'accusation portée
contre M. X..., a entendu maintes dépositions
des habitants clu pays et des témoins du drame.
Le parquet a encore fait reconstituer la scène
de la fusillade de dimanche.
Le principal accusateur-du civil, qui aurait tiré
un coup de feu par derrière, a été entendu plusieurs fois, avant et après l'autopsie.
D'après les. dépositions faites, nous sommes autorisés à déclarer que le coup de feu tiré par derrière par M. X... est un fait complètement faux.